Reconnaître pour mieux prévenir : pourquoi la reconnaissance au travail est un pilier de la prévention des RPS

Dans un contexte où la performance est souvent priorisée au détriment de l’humain, la reconnaissance au travail est parfois perçue comme un « plus », un geste sympathique, un supplément agréable. Pourtant, les recherches sont claires : la reconnaissance n’est pas un luxe. C’est un levier essentiel pour prévenir les risques psychosociaux (RPS), soutenir la santé psychologique et favoriser un climat de travail sain, durable et mobilisant.

La reconnaissance : bien plus qu’un merci

On pense souvent que reconnaître, c’est féliciter. En réalité, la reconnaissance englobe plusieurs dimensions complémentaires :

→ La reconnaissance existentielle (considération, respect, qualités humaines)
→ La reconnaissance de la méthode (collaboration, compétences, participation)
→ La reconnaissance de l’effort (engagement, énergie, persévérance)
→ La reconnaissance des résultats (impact, contribution, progression)

Autrement dit, reconnaître, c’est rappeler à chacun·e : « Tu comptes. Ce que tu fais a de la valeur. Et ce que tu apportes fait une différence. »

Pourquoi la reconnaissance est un facteur clé de prévention des RPS

1. Elle renforce la sécurité psychologique

Les équipes qui se sentent reconnues se sentent aussi plus en sécurité. Elles osent poser des questions, demander de l’aide, soulever des enjeux sans craindre le jugement.
Or, on sait maintenant que la sécurité psychologique est l’une des conditions les plus puissantes pour réduire l’épuisement professionnel, l’isolement et la démotivation (1).

2. Elle protège contre le stress chronique

L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail souligne que le manque de reconnaissance est un facteur de risque majeur en matière de santé mentale au travail (2). Il contribue à augmenter :

→ La charge mentale
→ Les tensions
→ La perception d’injustice
→ Et même le risque de détresse psychologique

À l’inverse, la reconnaissance agit comme une barrière physiologique et psychologique face au stress (3).

3. Elle nourrit le sentiment d’autonomie et de maîtrise

Les études en psychologie du travail montrent que la reconnaissance favorise :

✓ Le sentiment d’efficacité
✓ La confiance en ses compétences
✓ L’engagement
✓ Et l’autonomie décisionnelle – un autre facteur reconnu pour réduire les RPS (4)

4. Elle réduit les conflits et améliore les relations

Moins de rancœur. Moins de frustration. Moins de compétition malsaine. La reconnaissance diminue les tensions interpersonnelles et renforce les liens au sein des équipes.

Et quand les relations sont plus saines, les risques de conflits, d’incivilités ou de comportements toxiques diminuent.

5. Elle soutient la motivation et prévient l’épuisement

Des études démontrent que les personnes qui reçoivent régulièrement de la reconnaissance (5) :

→ Sont 5 fois plus susceptibles de se sentir engagées
→ Sont 4 fois plus susceptibles de dire être psychologiquement bien au travail
→ Et risquent deux fois moins de souffrir d’épuisement professionnel

La reconnaissance régulière renforce le bien-être perçu et diminue les risques de détresse et d’épuisement professionnel (6). En d’autres mots, la reconnaissance agit comme un carburant émotionnel… beaucoup plus durable qu’un café serré!

Et si la prévention passait par la simplicité?

L’une des idées reçues courantes, c’est que la reconnaissance exige de grands efforts ou des initiatives formelles. Pourtant, la recherche en psychologie comportementale est unanime : ce sont les petits gestes fréquents qui ont le plus d’impact.

Quelques exemples simples :

✓ Nommer explicitement ce qui a été apprécié, par exemple : « J’ai vraiment apprécié la clarté avec laquelle tu as présenté ce point pendant la réunion. »

✓ Souligner la progression, pas seulement le résultat final, par exemple : « Je veux souligner ta progression dans la gestion de ce dossier : tu gagnes vraiment en assurance. »

✓ Remercier pour une initiative ou un coup de main, par exemple : « Merci d’avoir pris l’initiative de contacter le client ce matin, ça a fait avancer le projet. »

✓ Valoriser un trait de personnalité lié à la contribution (ex. rigueur, créativité), par exemple : « Ta créativité a vraiment apporté une perspective nouvelle à notre réflexion d’équipe. »

✓ Reconnaître un effort invisible, souvent passé sous silence, par exemple : « Je sais que préparer toute la documentation en arrière-plan demande du temps, et je veux te dire que c’est vraiment apprécié. »

Ces gestes coûtent peu… mais rapportent énormément.

La reconnaissance : une stratégie RH… et une responsabilité collective

Les organisations gagnent à intégrer la reconnaissance dans :

→ Leurs pratiques de leadership
→ Leurs rituels d’équipe
→ Leurs processus de gestion
→ Leurs espaces de discussion

Mais la reconnaissance ne relève pas que des gestionnaires. Elle devient vraiment puissante lorsqu’elle est transversale : entre collègues, entre équipes, entre rôles.

Rappel clé : la reconnaissance doit être authentique, précise et adaptée.

Les compliments creux ou automatisés n’ont aucun effet… ou pire, l’effet inverse.

Miser sur la reconnaissance, c’est miser sur la santé psychologique durable

Dans un monde où les risques psychosociaux se multiplient – surcharge, hyperconnectivité, incertitude, complexité – la reconnaissance reste l’un des leviers les plus accessibles, humains et efficaces pour créer un milieu de travail sain.

Reconnaître, ce n’est pas seulement encourager. C’est protéger. C’est prévenir. C’est renforcer ce qui fait tenir une équipe : la confiance, le respect, le sentiment de valeur.

Et si les organisations faisaient de la reconnaissance une stratégie de santé psychologique aussi essentielle que la gestion de la charge de travail ou la clarification des rôles?

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Références

1. Edmondson, A. C. (2018). The Fearless Organization: Creating psychological safety in the workplace for learning, innovation, and growth. John Wiley & Sons.

2. European Agency for Safety and Health at Work. (s.d.). Psychosocial risks and mental health at work. EU-OSHA.

3. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. (s. d.). Risques psychosociaux liés au travail. CNESST.

4. Institut national de santé publique du Québec. (s.d.). La reconnaissance au travail : un facteur de protection psychosociale. INSPQ.

5. Gallup. (2023). State of the Global Workplace: 2023 Report. Gallup.

6. American Psychological Association. (2022). Work and Well-being survey. APA.